Luxemburgische Zeitgeschichte

Entre les lignes : flux, mobilités et réseaux de la main-d'œuvre étrangère dans le bassin transfrontalier de la Minette durant l'entre-deux-guerres

By considering the flows, mobilities and networks of foreign labour in the Minette cross-border basin during the inter-war period, we wanted to make a contribution to migration studies by tackling, in a transnational approach, a subject that requires several heuristic approaches and that is part of a relatively short period of time, marked by a turning point in national policies for controlling mobility, and characterised by a certain stability of state borders but also by economic and geopolitical tensions. We have therefore conducted our research between geographical, chronological and methodological dividing lines, but also between the administrative and concrete lines represented by borders, which are at the heart of our questioning. Located at the crossroads of four states (Germany, Belgium, France and Luxembourg), the Minette iron-ore basin, which emerged at the end of the 19th century following the discovery of the Thomas-Gilchrist process for dephosphorising local iron ore, became, in a few years, a major European industrial basin, entirely focused on the extraction and processing of iron ore. It developed thanks to the huge investments made by major capitalists and companies, mainly from neighbouring countries, which led to an explosion in the number of mining concessions, metallurgical factories and working-class estates. This basin, interconnected by a broad rail network to the major surrounding industrial basins, was to benefit from its central location on the south-north and east-west routes and from its position as a communications crossroads. Hundreds of thousands of foreigners from Europe and elsewhere have converged on the newly-created workers' housing estates, often having passed through the nearby industrial areas. At the scale of this living and employment area, we examined the impact of the border on migratory strategies and the trajectories of migrants during a period when movement control measures were being stepped up, in a complex and contradictory dynamic combining the need for and rejection of foreigners. In addition, we sought to determine the routes taken by migrants and the strategies they implemented, as well as the consequences that border control measures may have had on the decisions and movements of individuals who emigrate. On the basis of a restricted sample of almost a thousand declarations of arrival of foreigners from the archives of two of the Grand Duchy's main industrial municipalities (Differdange and Dudelange), we have analysed the processes and conditions of arrival and departure and, more generally, the movement of foreign workers who passed through the Minette basin, characterised by individual trajectories marked by repeated border crossings, at both international and local level. Starting with the foreigners' journeys, the aim was to highlight the various obstacles weighing on these migrants, but also to reveal their ability to take control of their own trajectories and choices, in contrast to the image of a population that suffers constraints without acting on them. Drawing on the fields of transnational studies, border studies, micro and socio-history, this essay, which intertwines the study of population flows on a macro scale with the analysis of networks and mobility on a meso and micro scale, aims to provide a more detailed understanding of individual trajectories as well as foreign groups and networks. By weaving qualitative and quantitative data analysis from our sources, this study enables to follow more closely, through prosopography and life histories, the situation and fate of foreign populations in the local cross-border area and at European level during the inter-war period. En nous penchant sur les flux, mobilités, et réseaux de la main-d’œuvre étrangère dans le bassin transfrontalier de la Minette durant l’entre-deux-guerres, nous avons souhaité contribuer aux études migratoires en abordant, de manière transnationale, un objet d’étude qui requiert plusieurs approches heuristiques et qui s’inscrit dans une temporalité relativement courte, marquée par un tournant dans les politiques nationales de contrôle des mobilités, caractérisée par une certaine stabilité des frontières étatiques et par des tensions sur le plan économique et géopolitique. C’est donc entre les lignes de partage géographiques, chronologiques et méthodologiques que nous avons mené nos recherches, mais aussi entre les lignes administratives et concrètes que représentent les frontières, qui sont au cœur de notre questionnement. Situé à la croisée de quatre États (Allemagne, Belgique, France et Luxembourg), le bassin ferrifère de la Minette, qui naît à la fin du XIXe siècle à la suite de la découverte du procédé Thomas-Gilchrist permettant la déphosphorisation du minerai de fer local, devient, en l’espace de quelques années, un bassin industriel européen majeur, entièrement tourné vers l’extraction du minerai de fer et sa transformation. Il se développe grâce aux gigantesques investissements réalisés par de grands capitalistes et groupes étrangers venus principalement des espaces voisins, et à l’origine de l’explosion locale du nombre de concessions minières, d’usines métallurgiques et de cités ouvrières. Ce bassin, interconnecté par un vaste réseau ferroviaire aux grands bassins industriels européens, va bénéficier de sa situation centrale sur les axes sud-nord et est-ouest et de sa position de carrefour de communication. Il verra converger vers les cités ouvrières sorties de terre des centaines de milliers d’étrangers venus de toute l’Europe mais aussi d’ailleurs. Nous nous sommes demandé, à l’échelle de ce bassin de vie et d’emploi, quel était l’impact de la frontière sur les stratégies migratoires et les trajectoires des migrants durant une période où les mesures de contrôle des circulations se renforcent, dans une dynamique complexe et contradictoire, articulant besoin et rejet des étrangers. De plus, nous avons cherché à déterminer quels ont été les parcours des migrants et les stratégies mises en oeuvres par ceux-ci, mais aussi quelles conséquences les mesures de contrôle des frontières ont pu avoir sur les décisions et les déplacements des individus qui émigrent. À partir d’un échantillon restreint d’un millier de déclarations d’arrivée d’étrangers provenant des archives de deux des principales communes industrielles du Grand-Duché (Differdange et Dudelange), nous avons analysé les processus et conditions d’arrivée et de départ et, plus généralement, de déplacement des travailleurs étrangers passés par le bassin de la Minette, caractérisés par des trajectoires individuelles marquées par le franchissement répété des frontières, tant au niveau international que local. Partant du parcours des étrangers, il s’est agi de montrer les multiples entraves pesant sur ces migrants mais également de révéler leur capacité à être acteurs de leurs trajectoires et de leurs choix, à rebours de l’image d’une population étrangère subissant les contraintes sans pouvoir agir. S’inscrivant dans les champs des études transnationales, des Border Studies, de la micro- et de la socio-histoire, ce travail, articulant l’analyse des flux de population à l’échelle macro et celle des réseaux et des mobilités aux échelles méso et micro, a pour ambition de contribuer à une compréhension plus fine des trajectoires individuelles mais aussi des groupes et réseaux étrangers. Croisant l’analyse qualitative et quantitative des données recueillies dans une approche prosopographique, cette étude se penche, à hauteur d’hommes, sur la situation des populations étrangères dans l’espace transfrontalier local mais aussi au niveau européen durant l’entre-deux-guerres.

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