Contemporary history of Luxembourg Contemporary history of Europe

Biographie(s) et historiographie(s) dans les cantons de l’Est belges pendant la Seconde Guerre mondiale. Retour sur une expérience d’historiens

Entre 2013 et 2023, un collectif d’historiens a publié une série de six volumes sur l’histoire de la Communauté germanophone de Belgique, entité fédérée dans l’Etat fédéral belge située à la frontière avec l’Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg (1). Le volume 4, paru en 2019, traite de la période 1919-1945 qui comprend les trois changements de nationalité de 1919-20/1940/1944 du territoire alors connu sous la désignation d’Eupen-Malmedy entre l’Allemagne et la Belgique. Ce volume était alors le plus attendu de la série, tant cette période, en particulier l’annexion au Reich entre 1940 et 1944, a marqué l’histoire et la mémoire de la région.
Le concept de base des Grenzerfahrungen repose notamment sur l’histoire vécue des acteurs à travers des biographies – basée sur des travaux allemands se réclamant de l’Erfahrungsgeschichte (2). Au cours de la conception du volume 4, l’équipe d’historiens a discuté l’idée de travailler sur l’histoire familiale des auteurs, donc sur les biographies de leurs arrière-grands-parents, grands-parents ou parents. Cette démarche semble particulièrement pertinente : dans le cadre de la réflexion générale sur la positionnalité des historiens face à leur objet d’étude et, plus spécifiquement, dans le domaine de l’histoire régionale où le nombre d’historiens venant de la région ou aux attaches familiales avec celle-ci est souvent (largement) plus élevé que celui des spécialistes de l’extérieur.
Dans ma contribution, je propose de revenir sur ce travail qui a donné lieu au chapitre introductif du volume (3). Je présenterai trois enseignements tirés de notre expérience d’historiens à l’exemple de la période 1940-1944 et évoquerai leur transférabilité vers d’autres cadres régionaux comme l’Alsace : la problématique des concepts antonymes asymétriques (4) comme « pro-belge/pro-allemand », l’introduction du concept de l’« opportunisme situationnel » (5) et une réinterprétation des silences du long après-guerre (6). En problématisant à la fois le travail avec des biographies et la place de l’historien régional, la contribution s’inscrit dans une approche comparée de l’histoire des régions annexées à l’ouest.

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